TODE: La main de Chine

Le Karaté est issu d’une petite île située près du Japon : Okinawa.

Okinawa, la plus grande île de l’archipel des Ryu Kyu, se trouve à environ 200 km au sud-ouest du Japon, entre la mer de Chine orientale et l’océan Pacifique nord. Elle possède une superficie totale de 2 255 km2. Le climat de l’île est chaud et humide, et les typhons sont fréquents en été.

Beaucoup pensent que le développement du Karaté dans cette petite île est dû à l’interdiction faîte aux paysans de porter des armes. Il semble que ce ne soit qu’en partie exact.
En effet, même si dès le XVème siècle, le roi de Ryu Kyu interdit bien le port des armes pour les nobles, les connaissances historiques sont trop peu nombreuses pour pouvoir réellement associer le Karaté à cette interdiction.

Une chose est sûre, les nombreux contacts entre la Chine et Okinawa ont permis le passage de techniques de combat à mains nues. Les premiers à en profiter furent les nobles et non pas, comme on l’imagine, des paysans désarmés et opprimés.

Au XVIIème siècle, les seigneurs japonais de Satsuma envahissent l’île et continuent à interdire le port d’armes.
Dès cette époque, on retrouve les traces d’un art de combat pratiqué secrètement par le milieu fermé des nobles où il était considéré comme une marque de privilège et une forme de résistance à la domination de Satsuma.

Il est évident que la proximité de la Chine a permis l’introduction des arts de combat chinois dans l’île d’Okinawa. D’ailleurs, on retrouve dans certains styles comme le Gojû-Ryû, une parenté étroite avec les techniques de boxe chinoise.

Cette introduction s’est effectuée au travers de trois vecteurs distincts :
L’apport des voyageurs venus de Chine.
Et notamment la venue d’une délégation de l’empereur de Chine pour les cérémonies de consécration du roi. Elles se sont répétées 23 fois entre 1372 et 1866 et il est fort probable qu’une certaine forme d’art de combat fut diffusée dans l’île en ces occasions.
La transmission par les Chinois installés dans l’île.
En 1392, des chinois se sont installés dans le village de Kumé. Malgré une quasi autarcie de ce village, on peut penser que certains contacts liés entre ces chinois et les nobles de Ryû Kyû ont permis la diffusion d’un art de combat.
Plus tard, les insulaires en voyage en Chine.
A partir du début du XVIIème siècle, certains insulaires se rendent en Chine parfois pour quelques années. Ils y apprennent sans doute les rudiments de la boxe chinoise qu’ils rapportent à Okinawa en ne conservant que les techniques les plus efficaces.

L’ensemble de ces facteurs (art de combat de la noblesse, apport de la boxe chinoise) peut être à l’origine des techniques de combat ayant conduit au Karaté moderne. Ainsi, l’apport de l’art de combat chinois est particulièrement visible dans le style Gojû Ryû issu du Naha-té (ville de Naha située non loin de Kumé). A l’opposé, le Shuri-té (à l’origine du style Shotokan) est lui, moins proche de la boxe chinoise.

Sôkon Matsumura a vécu à Okinawa de 1809 à 1899. Il est né dans une famille noble. Son nom est entouré de légendes. Mais c’est à lui que remontent toutes les hypothèses concernant la première véritable formalisation du Karaté pour donner ce qui s’appellera le Shuri-té.

De qui Matsumura apprit-il son art ? Il est très difficile de le savoir même si deux noms reviennent parfois : Sakugawa et Iwâ (Wèi Bô en chinois), mais rien n’est sûr… Toujours est-il qu’il eut l’occasion d’apprendre l’art du sabre de l’école Jigen-ryû et que lors d’un voyage en Chine de quinze mois (1836 ?), il apprend l’art du combat chinois.

On voit grâce à son parcours que Matsumura a pu, non seulement transmettre l’art de combat qu’il avait appris, mais aussi mener à bien des recherches afin de synthétiser en un seul enseignement les techniques issues du Japon et de la Chine. D’autre part, c’est à lui que revient l’utilisation systématique du makiwara, présent avant lui à Okinawa mais inconnu en Chine.

Sôkon Matsumura reste une figure de premier plan dans l’histoire du Karaté. Son école, le Shuri-té, est à l’origine au moins pour partie de 3 des 4 grandes écoles de Karaté moderne : Shotokan, Wado-Ryû, Shitô-Ryû.

L’apport d’Ankô Itosu

Ankô Itosu est celui par qui le Shuri-té est parvenu jusqu’à nous. Il est né en 1830 mais c’est à 30 ans qu’il devint élève de Matsumura.
Bien qu’il ne mesurait qu’ 1,55 m, sa force et sa technique en firent un combattant redoutable.
A 55 ans , il commença à enseigner le Karaté puis en 1901 il réussit à faire adopter le karaté comme discipline d’éducation physique à l’école primaire de Shuri, évènement très important dans l’évolution de l’art de combat d’Okinawa.

L’arrivée du Karaté à l’école

A partir de 1890 et à cause de la politique militariste du Japon, les autorités japonaises ajoutèrent aux programmes éducatifs des cours d’éducation physique. De plus, l’un des élèves d’Itosu (Kentsû Yabu) devint un véritable héros national lors de la guerre contre la Chine. En 1900, soit 3 ans avant la guerre russo-japonaise. Dans ce contexte « favorable », Itosu réussit à faire adopter le karaté comme support à l’éducation physique dans l’île d’Okinawa. Ceci fut apprécié autant par les professeurs que par les parents.

Cet évènement fut fondamental pour l’évolution du Karaté. En effet, auparavant le Karaté ne se transmettait que d’un maître à quelques élèves « triés sur le volet ». A partir de là, le Karaté devint un enseignement de masse.

D’autre part, du fait du contexte historique, la pédagogie développée par Itosu fut inspirée par l’enseignement militaire : un enseignant dirige les élèves en criant un ordre pour chaque geste, ce qui n’était pas le cas avant.

C’est pour s’adapter à cet enseignement que A. Itosu crée les Katas Naifanchi et les 5 Pinans en adoptant le principe des « Dan » pour les Katas (Pinan Shodan est le Pinan de niveau 1, Pinan Nidan de niveau 2, etc…).